Loi de modernisation agricole adoptée !

Publié le par Vincent Jégou

L'Assemblée nationale a adopté mardi le projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche, censé assurer des revenus décents à des agriculteurs en crise.   Adopté mardi par 297 voix contre 193, le texte, déjà voté par le Sénat,entend à la fois lancer "une politique publique de l'alimentation" et défendre le revenu des agriculteurs. L'UMP et une partie du Nouveau Centre ont voté pour le texte tandis quel'opposition a voté contre.

 

 

Détails du texte de la Loi de Modernisation de l'Agriculture et de la Pêche

Dans une interview au quotidien "Les Échos", Bruno Le Maire explique en quoi il prépare la révolution de l'agriculture, faute de quoi la France perdrait sa position de leader en Europe et son identité agricole fondée sur la diversité et la qualité des produits dans un environnement préservé.

Certains acteurs du monde agroalimentaire ont promis une discussion très mouvementée de votre projet de loi de modernisation de l'agriculture à l'Assemblée nationale. Le texte voté par le Sénat va-t-il donc être profondément remanié ?

Depuis la réforme de la Constitution, les modifications des textes se jouent en commission avant les séances d'examen public. La possibilité demeure de faire passer des amendements en séance, mais c'est beaucoup plus difficile. Nous avons eu des débats extrêmement longs au Sénat qui ont conduit à un réel enrichissement du projet de loi. Grâce au travail du Sénat et à celui de la commission des Affaires économiques de l'Assemblée, nous avons trouvé un bon équilibre. Je souhaite le préserver dans le débat qui s'ouvre à l'Assemblée.

 

L'examen à l'Assemblée ne sera-t-il pas l'occasion de voter des amendements qui encadrent plus rigoureusement les relations entre les industriels de l'agroalimentaire et la grande distribution ?

Il est exclu de faire passer des amendements concernant la loi de modernisation de l'économie dans le texte de modernisation de l'agriculture et de la pêche. La grande distribution n'est pas de mon ressort, mais de celui de Christine Lagarde et d'Hervé Novelli.

 

En quoi votre projet de loi peut-il changer l'agriculture ?

Le revenu des agriculteurs a connu une chute historique de 34 % en 2009, et même de 50 % dans certaines productions. Il faut profondément modifier l'organisation de l'agriculture pour la mettre à l'abri de mouvements de cette ampleur en mettant en place des mesures nouvelles. C'est pourquoi le texte de loi, dont les députés entament l'examen public aujourd'hui, propose de contractualiser la relation entre exploitants et industriels, d'introduire plus de transparence dans les prix et les marges, d'instaurer des mécanismes d'assurance qui protègent les agriculteurs contre les aléas climatiques et sanitaires, de taxer la spéculation sur la terre pour stopper la perte du foncier agricole. C'est une véritable révolution, destinée à défendre un modèle français fondé sur des exploitations de taille raisonnable, le maintien de l'emploi, la présence de notre agriculture sur tout le territoire, la qualité et la diversité des produits.

 

Quelle peut être l'efficacité de mesures nationales dans un secteur européanisé de longue date ?

J'espère bien convaincre les autres pays membres de l'UE de s'inspirer de l'exemple français. La France est à l'avant-garde du débat agricole européen. Regardez le chemin parcouru ! Il y a un an, le mot de « régulation » était tabou. Depuis, nous avons obtenu l'intervention des instances européennes sur le marché du lait en pleine crise. Et cela a fonctionné : les prix sont remontés. La Commission vient de proposer de généraliser aux 27 pays membres le système de contractualisation de la relation entre agriculteurs et industriels, que je propose dans le projet de loi de modernisation. Les contrats figureront dans la prochaine réforme de la politique agricole commune en 2013. La France peut inspirer d'autres changements d'ici là.

 

La révolution dont vous parlez empêchera-t-elle l'Allemagne de doubler la France et de devenir la première puissance agricole en Europe ?

La France demeure la première puissance agricole européenne avec un chiffre d'affaires de 65 milliards d'euros, contre 45 milliards en Allemagne. Mais il faut reconnaître que nous avons perdu du terrain. Il n'y a plus de position acquise aujourd'hui. Pourtant, je suis convaincu que nous avons tous les atouts pour rester les premiers à condition de faire notre révolution maintenant. Ce n'est pas simple. J'ai bien conscience de la difficulté de la tâche demandée aux agriculteurs français. Je comprends les réticences de certains à s'assurer contre les risques climatiques et sanitaires. Nous n'avons pas le choix. Si nous n'avons pas le courage de faire ces choix difficiles, c'est la concurrence internationale qui les fera pour nous. Et ce sera alors la fin du modèle français des exploitations de taille moyenne, au profit de l'agrandissement à tout prix, de l'industrialisation et de la standardisation des produits. Je le refuse !

 

D'aucuns affirment que l'agriculture allemande est plus compétitive parce que les exploitations sont beaucoup plus grandes. La ferme France doit-elle se préparer à une nouvelle vague de restructurations ?

Je ne crois pas du tout aux vertus de la course à l'agrandissement. Je suis même convaincu que c'est une erreur. Je n'exclus pas pour autant certaines restructurations. Mais « grand » n'est pas forcément synonyme de « compétitif ». Au contraire. La compétitivité est liée au rapport entre la taille de l'exploitation et la valorisation des produits. Par ailleurs, l'Allemagne n'est pas seulement un concurrent. C'est aussi et surtout un partenaire. Nous présenterons une position commune sur l'avenir de la PAC à l'automne prochain.

 

Les divisions entre Européens sur la prochaine politique agricole commune sont-elles toujours aussi nettes ?

Deux visions s'affrontent : celle d'une PAC au rabais, qui suppose que l'Union européenne produise aux plus bas coûts possibles, quelles que soient les conséquences pour la qualité sanitaire, l'environnement et la standardisation des produits. Ce n'est pas notre choix. Le président de la République défend une politique agricole ambitieuse appuyée sur une sécurité sanitaire totale, sur la défense de l'environnement, sur l'aide aux zones difficiles comme les montagnes. Pour atteindre ces objectifs, il faut réduire l'emploi des pesticides, développer l'élevage à l'herbe, maintenir des productions sur l'ensemble du territoire. Mais tout cela a un coût. Et tout cela suppose un réel effort d'harmonisation des règles.

 

Comment rallier le nord de l'Europe à la vision française ?

En convaincant les consommateurs. Le vrai renversement est là. On ne fait pas la PAC pour les agriculteurs, mais pour les consommateurs. L'agriculture et l'agroalimentaire vivent en accéléré les problèmes que beaucoup d'autres secteurs de l'économie vont devoir se poser en termes de compétitivité. L'Europe est à l'heure de choix cruciaux. Soit elle se réduit à un grand marché et elle sera la première à en souffrir, soit elle s'organise politiquement, retrouve la préférence communautaire, et elle sera respectée par les nouvelles puissances agricoles mondiales. L'Europe n'existera pas sans accord sur un modèle politique. Et la France entend être de nouveau à la pointe des propositions.

 

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