Tribune libre : le dilemme de l’agriculture, stop aux réponses toutes faites !

Publié le par Vincent Jégou

Dans un contexte mouvant, incertain, générant des souffrances morales mais aussi « économiques », politiques, citoyens, écologistes,…y vont de leurs remèdes avec une faculté de communication et de persuasion, il faut le dire, très aiguisée.

Malheureusement, le bon sens paysan l’emporte toujours et la panoplie de solutions miracles pour un monde agricole moderne est bien souvent vouée à l’échec ou à rester au stade de l’écrit !

 

Pourquoi ?

 

Tout d’abord les agriculteurs doivent répondre à une problématique majeure et complexe : concilier leur territoire avec ses contraintes environnementales, économiques, sociales (mais aussi ses forces) et répondre pour l’essentiel des productions à un marché mondial. L’enjeu essentiel est là ! comment faire pour comprimer les coûts de production en production laitière ou porcine alors même que les concurrents européens ou mondiaux ont des contraintes différentes et bien souvent moins fortes ?En Allemagne, beaucoup d’exploitations vivent également de la fourniture d’énergie, mais est-ce transposable ? Qui paie le prix final du rachat élevé de cet électricité ?

Face à cela s’accumulent les fausses bonnes idées véhiculées notamment par les élus écologistes ou de gauche

 

« Qu’à cela ne tienne, stoppons en marche la mondialisation pour se recentrer sur notre consommation intérieur »

Cette première réponse est une utopie et même au delà une hérésie. Tout simplement parce que se fermer sur notre pays ou notre Europe ne changera pas nos concurrences, nous enfermera dans une sorte de protectionnisme qui aurait un impact sur les autres pans de l’économie. Ce serait nié ouvertement l’intérêt d’une Europe forte et la réalité de la géopolitique mondiale aujourd’hui !

 

« Généralisons la diversification et les circuits courts et le bio »

Cette solution est intéressante, pertinente pour un certain nombre d’exploitations mais il faut rapidement mettre la réalité des chiffres sur la table.

Un français moyen consomme 70 litres de lait par an en moyenne. Sur ma communauté de communes (15 000 habitants), à considérer que l’essentiel du lait était écoulé en circuit local cela représenterait  près d’un million de litres de lait annuels soit la production de 3 à 4 exploitations laitières (sur plus de 90 présentes sur le territoire) !!! sauf à dire que les éleveurs n’écoulent qu’une infime partie de leur lait de cette façon, cela condamne par les chiffres la généralisation de ces filières.

 

De la même façon que pour les circuits courts, l’agriculture biologique est une filière prometteuse, qui se heurte à la réalité des chiffres de collecte, de consommation et de pouvoir d’achat. Il n’en reste pas moins que les pratiques agricoles en agriculture biologiques peuvent être diffusable en agriculture traditionnelle.

Il faut encourager ces modes de production tout en considérant que 95 % des exploitations restantes resteront conventionnelles et devront être également considérées !

 

« Réduire drastiquement les intrants pour rendre l’agriculture moins dispendieuse et environnementalement vertueuse »

C’est déjà bien engagé depuis des années dans le cadre des programmes Bretagne Eau Pure et dans le cadre des mesures agro environnementales.

L’agriculture doit pouvoir remplir l’équation difficile : produire plus en volume pour alimenter tout le monde, en réduisant les intrants, en intégrant pleinement son territoire, dans un contexte mondial très concurrentiel et avec une pression foncière et une augmentation conséquente de la population en Bretagne !

A ceux qui croient que l’agriculture est délocalisable, je leur répondrai de deux façons :

-          la Bretagne jouit d’un contexte pédoclimatique exceptionnel pour les fourrages et les productions animales : en France, le lait sera en Bretagne ou ne sera pas !

-          l’agriculture est le 1er secteur économique breton et un agriculteur fait vivre plusieurs dizaines de salariés agricoles indirects

 

« Revenons à une agriculture plus familiale et cessons les agrandissements »

La question mérite d’être posée et surtout d’être abordée avec réalisme. L’attractivité de l’agriculture est un réel problème aujourd’hui, pour des raisons économiques et sociales. En gardant le potentiel de production et les emplois en Bretagne, mécaniquement les exploitations s’agrandissent (une installation pour trois départs en retraite).

Arrêtons d’opposer une agriculture familiale à une soi-disant industrie agricole, qui n’est pas la réalité de la majorité des exploitations d’aujourd’hui ! Qu’est ce qui participe à l’agrandissement des exploitations ?

1-       la réalité économique : même si on peut vivre avec une exploitation de taille réduite (mais souvent seul !), le volume permet dans bien des cas d’asseoir la sécurité financière d’une exploitation et de réaliser des économies d’échelle.

2-       La réalité « environnementalo-économique » : la mise aux normes des exploitations a conduit beaucoup d’agriculteurs à se rassembler pour partager les coûts (et donc mécaniquement à faire des unités plus grandes)

3-       La réalité sociale : à qui peut-on expliquer que la société peut travailler au rythme des 35 heures alors que les agriculteurs en font pour la plupart plus de 70 par semaine. Les regroupements à plusieurs participent au partage des tâches et au remplacement les week-end notamment.

L’agriculture est un domaine économique et n’ayons pas peur des mots les agriculteurs sont des entrepreneurs et non des « paysagistes fonctionnarisés » !

 

 

« La PAC est une hérésie, elle a tué les agriculteurs ! »

C’est sans doute le contraire. En mettant en place un certain nombre d’outils de régulation (restitutions, stockage,…pour lesquels il faut trouver de nouvelles formes maintenant), la PAC a permis le développement de l’agriculture européenne, la solidarité entre pays et a été protectrice.

 

Arrêtons d’être schizophrène et de demander à l’agriculture d’être toujours plus vertueuse alors même que les français recherchent, et encore plus aujourd’hui, des prix alimentaires faibles.

 

Une partie des solutions vient du politique ! A l’échelon français, européen, mondial, le gouvernement prend ces questions à bras le corps avec la Loi de Modernisation de l’Agriculture, avec la régulation européenne dont Bruno Le Maire est un des principal défenseur, avec la convergence des fiscalités et des contraintes sociales et environnementales en Europe, la question monétaire, les aides conjoncturelles, mais également la régulation de la spéculation sur les matières premières (dans le cadre du G20),…

L’autre partie vient des politiques locales et régionales auxquels il faut rappeler l’importance de la fidélité et du cap ! L’agriculture ne peut être l’éternelle victime des multiples « retournements de veste » des politiques tantôt socialistes tantôt écologistes.

 

Dans la défense d’une agriculture vivante dans nos territoires, il est tentant de succomber à la facilité des réponses, d’autant plus que celles-ci sonnent mélodieusement aux oreilles des citoyens (et électeurs), avides du principe de précaution, du zéro défaut, du tout parfait…à un prix réduit ! La réalité est bien différente alors, le plus simple pour comprendre l’agriculture c’est de connaître les agriculteurs et d’aller à leur rencontre.

 

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G
<br /> texte tres realiste,essayons de publier ce genre de discours dans les grands journaux(of-telegramme etc).les francais doivent entendre un autre son de cloche dans ces quotidiens pour faire changer<br /> les choses.<br /> on a l impression que seuls les ecologistes ont le droit a la parole.<br /> toute personne sensee sait qu il faudra(sans exclure le bio)une production de masse pour nourrir la planete mais de grace essayons de remunerer comme il se doit les PDG des terres ,nous les<br /> agriculteurs.<br /> merci<br /> <br /> <br />
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V
<br /> <br /> Merci Gautier pour votre commentaire ! effectivement l'agriculture est un enjeu majeur pour notre région et notre pays, les petites phrases ou raccourcis visant à caricaturer l'agriculture ou à<br /> monter les gens les uns contre les autres n'apportent rien de bon.<br /> <br /> <br /> ll faut être conscient des enjeux, des préoccupations et de la réalité pour défendre au mieux notre agriculture durable, performante et qui fasse vivre ses artisans !<br /> <br /> <br /> <br />